Un bébé à tout prix

Interview de Philippe Bravard, président d’alors, sur le rôle d’EFA Réunion et la situation locale en matière d’adoption. Journal de l’Ile de la Réunion, N. Techer, sept 2011

Après les études, le travail et l’engagement affectif, faire un enfant apparaît comme la suite logique d’un projet de vie. Pour certains, hélas, le rêve de fonder une famille semble hors de portée. Stérilité, infertilités inexpliquées… Les causes du problème sont multiples. Deux options s’offrent alors à eux: la procréation médicale assistée et l’adoption. Mais là encore, la partie est loin d’être gagnée.

“Les femmes attendent trop longtemps pour faire un enfant”

Fonder une famille ne fait pas partie des priorités immédiates lorsqu’on se lance dans la vie sociale et active. Mais vient un jour où le désir d’enfant apparaît. Comme il arrive de plus en plus tardivement, les difficultés pour concevoir un bébé sont plus importantes. Car si l’homme produit des spermatozoïdes toute sa vie, la femme naît avec un stock d’ovules non renouvelable. Entre 18 et 33 ans, une femme a en moyenne 23% de chances de concevoir un enfant de façon naturelle au cours d’un cycle. Mais passé 35 ans, ses chances chutent considérablement. Au-delà de 41 ans, elles sont de l’ordre de 6%. À 43 ans, de 3%… Les problèmes de fertilité liés à l’âge ne sont pas les seules raisons d’une incapacité à procréer. Les causes sont multiples: trompes bouchées, spermatozoïdes de mauvaise qualité… L’infertilité peut aussi être totalement inexpliquée. “Les infertilités inexpliquées sont même assez courantes, révèle Florence Gayon, pharmacienne biologiste au laboratoire Verrougstraete au Port, le premier centre de procréation médicale assistée de la Réunion qui a ouvert ses portes il y a 25 ans. Entre 10 et 15% des couples qui viennent nous consulter sont concernés. On ne détecte aucun problème chez l’homme ou la femme, pourtant ça ne fonctionne pas”.

D’abord la FIV…

Lorsque la manière naturelle et les traitements classiques chez le gynécologue ne portent pas leurs fruits, les couples songent en premier lieu à la FIV, ou fécondation in vitro. Alors qu’elles n’étaient qu’une douzaine de patientes admises au centre du Port en 1986, elles sont aujourd’hui entre 800 et 850. La fréquentation n’a pas bougé ces dernières années, nous dit-on, et ce malgré l’ouverture d’un deuxième centre de procréation médicale assistée à l’hôpital de Saint-Pierre en 2010. Mais le nombre de grossesses résultant d’une FIV reste relativement bas. Dans le centre de l’ouest, entre 200 et 300 inséminations artificielles sont des succès et seuls 26% des bébés arrivent à terme. Plus la patiente est âgée, plus les chances de grossesse diminuent et les risques de fausse couche et d’anomalies augmentent. Jusqu’au 43ème anniversaire de la patiente, la Sécurité sociale rembourse quatre tentatives de FIV, exceptionnellement cinq. Ensuite, il appartient au couple de poursuivre ou non les FIV, mais à ses frais. “La totalité des frais occasionnés par une FIV s’élève entre 2 et 3000 euros, indique Florence Gayon. Mais rares sont les couples qui persévèrent dans cette voie. Lorsque la médecine ne répond pas à leurs attentes, soit ils abandonnent, soit ils se tournent vers l’adoption”.

Des adoptions difficiles

À partir d’un agrément, délivré par le conseil général et valable cinq ans, les couples peuvent entreprendre les démarches d’adoption sur le territoire national ou à l’étranger. Mais les chances d’avoir un enfant grâce à l’adoption sont extrêmement minces. Sur les 230 dossiers en instance, moins d’une dizaine aboutit chaque année. En 2010, seuls huit enfants ont été adoptés dans l’île. “En métropole, il existe des OAA (ndlr: Organismes autorisés pour l’adoption) qui facilitent les adoptions sur le territoire ou à l’étranger, explique Philippe Bravard, le président de l’association Enfance et familles d’adoption. À La Réunion, il n’y en a aucune. Les couples peuvent passer par l’Afa, l’Agence française de l’adoption, mais tout est centralisé à Paris et l’outre-mer est en général assez pénalisé”. Il reste la démarche individuelle, qui consiste à se rendre en personne à l’étranger pour traiter directement avec le pays. Mais les frais de déplacement et de séjour, ainsi que les services d’un traducteur, coûtent cher et l’aboutissement du projet est incertain… Auparavant, les Réunionnais pouvaient adopter à Madagascar. Mais depuis que la Grande Ile a ratifié la Convention de La Haye pour mieux encadrer les procédures d’adoption sur le territoire, ils sont contraints depuis quelques années de passer par l’Afa, “un organisme qui privilégie les demandes en métropole”, rappelle Philippe Bravard. Adopter à La Réunion relève véritablement du parcours du combattant. D’après le président de l’Efa, une association locale, Bouts de monde, aurait déposé une demande d’agrément pour devenir une OAA à La Réunion avant la fin de l’année. Si le projet aboutit, un nouvel espoir pourrait naître pour les centaines de parents en attente d’un enfant.Dossier: Nathalie Teche